Association indépendante, l’Observatoire de l’immobilier durable (OID), publie chaque année depuis 2018 son Baromètre de l’Immobilier Responsable. Evènement phare pour la finance responsable dans l’immobilier, il permet d’analyser l’avancement des acteurs en termes de pratiques ESG (Environnement, Social et Gouvernance). L’objectif est de souligner les tendances en matière de démarche ESG, d’outils, d’indicateurs et d’actions mises en place, dans un cadre règlementaire dense. Cette année, au-delà de l’analyse des acteurs de la gestion immobilière et de la promotion, deux nouvelles catégories de l’immobilier sont intégrées à l’analyse : les Financeurs et les Bailleurs Sociaux. Toute la chaîne de valeur est ainsi représentée, du financement à la construction et gestion d’un actif.
Les évolutions règlementaires et les attentes de parties prenantes accroissent les priorités mises sur les enjeux ESG par les acteurs de l’immobilier. En effet, 100% des acteurs ont cette année une démarche ESG. La mise en œuvre de ces démarches est complexifiée par les crises actuelles (géopolitique et inflationniste) et l’évolution de certains métiers de l’immobilier, notamment celui de la promotion. C’est dans ce contexte chahuté que l’OID renouvelle en 2023 son analyse du niveau de maturité des pratiques ESG des acteurs de l’immobilier, dans le Baromètre de l’Immobilier Responsable.
Le pilier environnemental est marqué par le clivage entre les enjeux climatiques en tête du classement (atténuation et adaptation), et les autres, en deuxième moitié de classement (eau, pollution, mobilité). Cette disparité s’explique par les réglementations sur les indicateurs carbone et énergie, en vigueur depuis quelques années déjà, ainsi que les outils davantage développés sur ces enjeux.
QUELLES SONT LES GRANDES TENDANCES ESG POUR L’IMMOBILIER DE GESTION ?
Le classement des enjeux ESG en immobilier de gestion en 2023 est relativement stable par rapport à l’année précédente.
Les enjeux climatiques (atténuation et adaptation) sont en tête pour cette typologie d’acteurs. Cela reflète les deux objectifs climatiques, qui ont été traités en premier par la Taxinomie européenne. Pour l’atténuation d’une part, les enjeux énergie et carbone demeurent élevés dans ce classement. Les acteurs disposent d’une maturité significative sur ces deux enjeux et sont de plus en plus nombreux à utiliser des outils de décarbonation (l’utilisation du CRREM est en hausse de 13 points !). La priorisation de l’enjeu adaptation des bâtiments au changement climatique est aussi en hausse.
Les acteurs de l’immobilier de gestion abordent le pilier social sous l’angle de la Santé et du Confort des occupants. Malgré une légère baisse de ce pilier cette année, les acteurs continuent d’intégrer ces changements dans leurs pratiques. En effet, 72% indiquent mettre en place des actions pour améliorer le Confort au sein de leurs bâtiments.
La gouvernance est le pilier qui obtient, cette année encore, la moyenne de priorisation la plus élevée. Les acteurs poursuivent leurs engagements auprès de leurs parties prenantes. La transparence extra-financière exigée par les dispositifs européens tels que la Taxinomie européenne, le Règlement SFDR et la Directive CSRD est également de plus en plus forte. Cela se relève dans la note sur l’Intégration des enjeux ESG dans la stratégie qui est en hausse, ainsi que la part d’acteurs intégrant des critères taxinomiques lors de la due diligence d’acquisition (en hausse de 13 points).
Enfin, l’OID a également évalué le niveau de maturité des acteurs sur l’appropriation et l’application des exigences réglementaires, notamment celles de la Taxinomie européenne. Les taux d’éligibilité calculés sont en moyenne assez élevés, comparés aux taux d’alignement déclarés, notamment pour les Investisseurs Institutionnels et les Sociétés de Gestion. Des difficultés demeurent encore, notamment sur l’interprétation des critères et de la collecte de données dont les processus ne sont pas encore établis.
QUELLES SONT LES GRANDES TENDANCES ESG POUR LES BAILLEURS SOCIAUX ?
Nouvellement intégrés au Baromètre, l’OID a analysé les réponses de 5 bailleurs sociaux, nationaux et régionaux.
En toute logique, le pilier social est celui qui domine le classement de priorisation des bailleurs sociaux. Leur activité étant de répondre aux enjeux autour de l’accès au logement, de l’accompagnement des publics aux revenus modestes, ces acteurs sont donc naturellement tournés vers les habitants et le territoire. Les bailleurs sociaux portent une attention particulière à la mixité sociale et accompagnent leurs locataires dans la gestion des charges locatives.
Etant en partie gérés par des organismes publics et soumis à un cadre réglementaire spécifique, les enjeux de gouvernance sont bien intégrés dans le fonctionnement des bailleurs sociaux et sont moins priorisés. Cependant, par leur rôle sur le territoire, l’enjeu relations avec les parties prenantes reste essentiel pour ces acteurs.
La priorisation sur les enjeux environnementaux est plus clivée. Ils font partie des plus priorisés avec le carbone et l’énergie, mais aussi des moins bien notés avec la biodiversité et la pollution. Le besoin crucial de réduire les coûts énergétiques pour les occupants ayant été au cœur des préoccupations des bailleurs sociaux cette dernière année.
QUELLES SONT LES GRANDES TENDANCES ESG POUR LA PROMOTION IMMOBILIERE ?
Les niveaux de priorité accordés aux 20 enjeux ESG pour la filière de la promotion immobilière sont assez proches pour les 3 piliers.
Les enjeux climatiques restent en tête du classement, les enjeux les plus priorisés reflètent l’atténuation avec les enjeux carbone et énergie, ainsi que l’adaptation au changement climatique. L’atténuation et l’adaptation au changement climatique vont de pair et sont repris dans les critères de la Taxinomie. Les promoteurs immobiliers y étant assujettis, les outils de trajectoire de décarbonation sont en hausse, ainsi que la mise en place d’actions comme l’utilisation de matériaux bas carbone. Les enjeux de la mobilité, de l’eau et de la pollution, sont eux, les moins priorisés.
La gouvernance est un maillon essentiel dans la réalisation d’un projet de promotion. Tous les enjeux sont en légère baisse, à périmètre constant, cependant, la moyenne demeure la plus élevée des trois piliers. Cela peut s’expliquer par les divers dispositifs réglementaires qui poussent les acteurs à affiner leurs stratégies ESG. Les reportings à fournir sont de plus en plus nombreux (Taxinomie, future CSRD) et les exigences de transparence se durcissent. Ainsi les formations des comités exécutifs et a fortement augmenté (+43 points), et les recours à des outils pour la stratégie ESG également.
Les enjeux sociaux sont représentés pour les promoteurs immobiliers principalement via l’impact social positif et la santé et la sécurité des occupants. Ce secteur d’activité doit également s’adapter aux nouvelles tendances de construction et de réemploi de matériaux tout en veillant à mettre sur le marché des bâtiments abordables.
L’objectif fixé par la Loi ZAN explique la montée de la biodiversité dans le classement (+ 4 places dans le classement). En effet, les promoteurs doivent désormais construire autrement, sans artificialiser les sols, et se tournent vers davantage de réhabilitations et d’intensifications des usages.
QUELLES SONT LES GRANDES TENDANCES ESG POUR LE FINANCEMENT DE L’IMMOBILIER ?
Cette année, l’OID a intégré l’analyse des démarches ESG de 8 établissements de crédit et fonds de dettes. Les notes de priorisation des enjeux ESG sont marqués par une forte disparité entre les trois piliers.
Sur le pilier environnemental, sans surprise, l’énergie, le carbone et l’adaptation sont les trois enjeux les plus prioritaires avec des notes supérieures à 8/10. Les financeurs intervenant en amont de la chaîne de valeur immobilière via les crédits, ils sont particulièrement impactés par le contexte du changement climatique et les exigences des banques centrales sur ces enjeux.
Concernant le pilier social, la position des financeurs les incite à développer des enjeux plus larges que ceux qui se rapportent à un bâtiment individuel. Ainsi les deux enjeux les plus priorisés par les financeurs sont d’abord l’impact territorial et emploi, et l’impact social positif.
Enfin, les acteurs interrogés déclarent que les performances ESG ont un impact sur les conditions de financement. Cette tendance s’accroit avec les demandes réglementaires et les attentes des parties prenantes, qui incitent à plus de transparence sur leur stratégie d’Intégration des critères ESG.
Les réglementations, telle que la Taxinomie européenne, permettent aux financeurs de structurer leur reporting, et de développer des indicateurs, notamment pour la publication du Green Asset Ratio (GAR) ou les obligations vertes. Les principales difficultés relevées restent la collecte de la donnée, pour qui laquelle les financeurs doivent s’appuyer sur les données des acteurs qu’ils financent, ainsi que la preuve demandée.
L’analyse des différents acteurs de la filière offre une image nuancée. Il est clair que les enjeux climatiques restent en tête des priorités pour l’ensemble de la filière, qui a du reste pu gagner en maturité ces dix dernières années sur ces questions. De la même façon, les réglementations européennes sont venues encadrer les pratiques de reportings et vont continuer d’impacter les pratiques des acteurs. Pour autant, il reste encore à structurer de nombreux axes ESG, à faire progresser certains enjeux essentiels, et à se doter d’outils permettant de passer à l’action le plus rapidement et le plus largement possible !
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